lettera per Louis

"- allô ? - bonjour Madame, je suis le fils de Toussaint Baldi, pourrais-je parler à Louis, s'il vous plaît ?
- oui bien-sûr, il est dans le jardin, je vais le chercher,



- Ô Louis, c'est JoLéo. Bon, écoute, je voulais te prévenir que Papa avait fait 2 infarctus consécutifs ce week-end, il a été héliporté à l'hopital lundi. Je suis arrivé hier soir, j'ai pu le voir et discuter avec lui mais il est parti ce matin à 5h30. Voilà, tu étais son ami, je tenais à ce que ce soit nous qui te l'apprenions.
- ...
- Louis ? Tu es là ?
- oui oui Jo, ça va... merci..."

Il a bientôt 80 ans Louis, son tempérament et sa carrière de motard de la police ont longtemps été la crainte des Bastiais à l'époque où il était en service mais le temps l'a adouci et cette période "glorieuse" est révolue aujourd'hui. Depuis une vingtaine d'années, il s'est lié d'amitié à un personnage qui partageait les mêmes rigueurs et véhiculait les mêmes valeurs sur le chemin de la vie. Ils ont passé beaucoup de temps tous les deux et pas seulement dans la passion qu'ils partageaient : ils ont jardiné, bricolé, discuté, bavardé, déjeuné, téléphoné bref, échangé leur amitié.

Il ne pleure pas Louis, il est de ceux qui contiennent leur tristesse. Des visites mortuaires, il en a rendu plusieurs ces dernières années (en Corse, on connait forcément un membre de la famille d'un défunt, un sens inné du respect de la part de cette génération "d'authentiques" gomme les kilomètres, les efforts et le temps pour honorer le dernier voyage), mais ses yeux brillent lorsqu'il voit son ami allongé sans vie sur ce lit d'habitude dédié à la sieste. Il s'assied et il regarde. Il ressasse.

L'église est trop petite pour accueillir les personnes venues témoigner leur estime à son ami, il regarde autour de lui, il est fier de constater une telle ferveur autour de cet évènement. Tous sont là, ils sont venus rendre hommage à cet homme brut, droit, franc, amoureux de la nature et des "gens biens" quelque-soient leur provenance ou leurs appartenances, lui qui ne concédait aucun effort aux faux-semblants. Les petites fâcheries de village sont gommées au profit d'un profond respect. Dans l'église, les portes drapeaux, debout derrière l'ex-aumônier, ont fière allure dans leurs habits de soldats, ils font honneur à l'ancien combattant car dans la foule certains savent les moments forts qu'ils ont vécu à ses côtés durant la guerre d'Algérie, ceux dont les mots ne pourraient traduire l'intensité de l'émotion.

Puis maintenant il marche, Louis, il suit le long cortège qui mène jusqu'à la dernière demeure de son ami, c'est la dernière promenade, celle de l'À-Dieu.

Tous sont là.

Il est rentré chez lui, Louis, il est redescendu en plaine et a repris ses travaux de jardinage, la seule activité que lui confère son âge. Oh, il connaît le cycle, il sait. Il va donner un peu plus d'amour autour de lui pour mieux en recevoir, il sait que la vie c'est avant tout un partage, du temps et de l'attention portés à l'autre, une fraternité qui ne s'acquiert que par la force des sentiments. Il sait l'essentiel de la profondeur.


Santu veille sur nous à présent, comme il l'a fait de son vivant, les marques de respect à l'Homme seront autant de témoignages d'amour consacrées à son souvenir. Comme avant, je ferai miens les adages de son enseignement en ne dérogeant jamais aux règles de droiture et d'honnêteté.

Santu - 11/11/1935 - 26/08/2010
Papa...