assaut nautique





Pendant que la France skie, toujours hype dans "the place to be", qu'elle dépense ses économies pour faire la queue au téléski, mon pote William s'est acheté un voilier.
Mais attention, mon-pote-William s'est acheté un voilier au prix d'un forfait ski "famille" dans une station de la région : un bateau des années 70.

J'ai de la chance parce-qu'avec mon-pote-William, je sais d'avance que le baptême d'un nouveau jouet se transforme en aventure et c'est avec un réel plaisir que je m'y abandonne dès que l'occasion m'en est donnée.
Corps et âme !

Et quand mon pote William me dit qu'il n'a pas encore quitté le port parce-qu'il n'a pas confiance en l'étanchéité de son voilier, qu'il n'a pas les éléments de sécurité et qu'il sait tout juste le barrer, je sens qu'il y a matière à se marrer et devine qu'il faudra le travailler un peu au corps pour s'adonner à une partie improvisée. C'est donc avec des packs de canettes aluminisées, du Bordeaux tout juste millésimé et des cigares référencés que je me suis présenté sur le quai.

"Bon ok, on le sort de son emplacement mais pas du port, 'faut que je le révise avant".


Après que nous eûmes bien déjeuné, bu, conversé... A nouveau bu, discuté, argumenté, épilogué, inhalé avec douceur la fumée veloutée de vitoles parfumées ; puis encore bu au point que notre sédentarité devait évoluer, nous décidâmes de partir affronter le grand large.
On a bien tourné la manivelle pour actionner la descente du mât avant de passer sous le pont, mais lorsque nous posâmes la quille sur le fond avant de nous rendre compte qu'on se trompait d'embranchement, c'est sur des balancements énergiques et les sourires des marins du coin que nous rebroussâmes chemin... Puis on a pris le bon chenal, relevé le mât non sans mal, hissé la grand'voile et sus au grand large ! À l’abordage !

Rapidement, sous la houle naissante, le bateau s'est mis a tanguer, on a viré dans les directions qu'il (le bateau) choisissait, j'ai dégueulé, je suis descendu dans la cabine pour m'allonger. On a re-tangué, on a viré, reviré, fait des demi-tours complets sous la maîtrise assurée du skipper nouvellement nommé. Alors que le jour commençait à décliner, qu'un bruit de clapotis dans la double coque se fît déceler, nous pliâmes les voiles en actionnant le moteur vers des eaux plus calmes .

Puis on est tombé en panne d'essence malgré le démontage du réservoir pour choper les dernières gouttes de l'espoir ; nous finîmes donc à la rame mais déplacer 7 mètres de bois et polyester n'est pas chose aisé avec des rames en jouet. On a pagayé plus fort en déplorant que l'embarquation fasse fi de nos efforts et à un moment, miracle, surgit le dernier bateau à rentrer au port. La corde de vie qu'il nous proposa fût acceptée et après quelques va-et-vient pour retrouver l'endroit d'où on venait (on n'avait pas mémorisé notre emplacement), nous fîmes les derniers efforts pour atteindre le bord dans la nuit tombée. Fatigués, ébouriffés et salés.


Le bateau va prochainement être sorti de l'eau pour la visite qu'il mérite et probablement une fuite à colmater, c'est donc en sécurité que mon pote William pourra aller voguer sur la Méditerrannée s'adonner en paix au rêve qu'il vient de réaliser. Ce sera sans moi, mon oreille interne refusant l'instabilité, mais je vais attendre l'inauguration de notre prochain jouet, prêt à en essuyer les premiers revers en comptant insatiablement sur l'intensité de l'improvisation car l'âge aidant (ça y est , je dois lire avec des lunettes), je mesure grandement la place laissée à l'insouciance et à l'émerveillement.

Nos vies, c'est comme la mer. Tantôt d'huile, tantôt houleuse, tantôt en plaisance et tantôt dans la tempête mais tant que les écueils n'éperonnent pas la coque, tant que l'embarquation n'est pas échouée sur un recif abandonné, ça vogue vers le meilleur !


Jo - pequeño marinero
27 février 2011